Fontaine Bayard rue Félix Pyat
Un projet d'article pour le Beau perroquet brun.
Un homme arrive à cette fontaine. Il porte un sac plastique, comme on trouve dans les superettes. À cette fontaine il le remplit d'eau. Il en sort quelques morceaux de pain ramolis par l'eau, et les jette sur le trottoir. Il dit c'est pour les pigeons. Effectivement, une volée de pigeons atterrit. Ils se jettent sur les morceaux de pain. Sans doute est-ce plus facile pour eux s'ils sont humides, en plus cela leur donne à boire. Quand l'homme a fini, il perce son sac pour en vider l'eau, puis le jette à une poubelle de la ville, s'en va, restent les pigeons. Gris, quelques plumes blanches ou noires, souvent estropiés, ils picorent. L'attaque de leur bec choque les morceaux de pain et les fait sauter tout autour. Soudain les pigeons s'envolent massivement alors que rien ne se passe. Pourquoi ? Cela pourrait être un coup de pied tant leur décollage est brutal, mais non, il n'y a rien, et ils reviennent aussi vite. Quand un passant traverse leur repas ils s'envolent encore, là il y a une explication. Et ils reviennent encore, cela se comprend. Petit à petit le groupe s'étale, suivant les sauts des morceaux de pain, se disperse et s'éloigne de la borne d'eau. Les pigeons se mettent à roucouler, timidement. Quelque chose les inquiète, tout le temps. Ils restent pressés, toujours, s'en revolent à ce coup de pied que personne ne voit ; ils reviennent, planant vivement entre les façades des immeubles, car encore une fois il ne s'est rien passé. Ils reviennent à toute allure, comme si rien était pressant. Les morceaux deviennent miettes, la manière des pigeons devient minutieuse. Sauf ce souffle qui les poussent en l'air, qui les aspirent quand ils redescendent. Avec eux le trottoir devient de plus en plus sale, se met à ressembler à ces fétiches avec de l'eau, du pain, du goudron, aussi des feuilles mortes, des restes de plastiques et, à l'origine de tout, cette fontaine qui trône encore de son allure altière. Cela fait un siècle que les humains viennent y déposer quelques morceaux de pain.